Roman

Histoire d’une vie, Aharon Appelfeld

Bonjour tout le monde !! đŸ€—

J’espĂšre que vous allez tous trĂšs bien en ce mercredi. Je ne savais pas si j’allais avoir le temps de vous publier un article et finalement si, j’avais vraiment envie de vous publier cette chronique.

Le livre dont je vous prĂ©sente la chronique ne m’est pas tombĂ© dessus par hasard. Comme vous le savez sĂ»rement, je fais partie d’un club lecture. À chaque rendez-vous des livres sont prĂ©sentĂ©s mais je n’y adhĂšre pas forcĂ©ment et j’ai eu quelques dĂ©ceptions (ainsi que de belles surprises !). Une des bibliothĂ©caires me fait toujours une sĂ©lection personnalisĂ©e. Les thĂšmes sont gĂ©nĂ©ralement durs, nous ne sommes pas lĂ  pour faire la fĂȘte mais c’est souvent vital pour le devoir de mĂ©moire. Histoire d’une vie d’Aharon Appelfeld fait partie de ceux-lĂ . Elle me l’a conseillĂ© car c’est un de ses Ă©crivains favoris. Elle m’en a Ă©galement conseillĂ© un autre de lui qui attend sagement dans mon sac Ă  livres.

Pour information, ce roman a remporté le prix Médicis étranger de 2004.

Résumé :

Auteur : Aharon Appelfeld

Genre : Autobiographie, TĂ©moignage

Édition : Éditions de l’Olivier

Année : 2004

Nombre de pages : 240 pages

Titre original : Sippur hayim (1999)

« OĂč commence ma mĂ©moire ? Parfois il me semble que ce n’est que vers quatre ans, lorsque nous partĂźmes pour la premiĂšre fois, ma mĂšre, mon pĂšre et moi, en villĂ©giature dans les forĂȘts sombres et humides des Carpates. D’autres fois il me semble qu’elle a germĂ© en moi avant cela, dans ma chambre, prĂšs de la double fenĂȘtre ornĂ©e de fleurs en papier. La neige tombe et des flocons doux, cotonneux, se dĂ©versent du ciel. Le bruissement est imperceptible. De longues heures, je reste assis Ă  regarder ce prodige, jusqu’à ce que je me fonde dans la coulĂ©e blanche et m’endorme. »

Mon avis :

Le rĂ©sumĂ© ne l’indique pas mais nous sommes en compagnie d’un homme rescapĂ© de la Seconde guerre mondiale, des atrocitĂ©s qui y ont lieu et que nous connaissons tous. Il a Ă©tĂ© dans les camps mais ce roman particuliĂšrement n’Ă©voque pas son quotidien lĂ -bas. Il en a dĂ©diĂ© un autre. Celui-ci parle plus spĂ©cifiquement de sa vie aprĂšs, comment il a rĂ©ussi Ă  avancer Ă  la sortie des camps encore enfant, il a vĂ©cu dans les forĂȘts en compagnie d’une prostituĂ©e et aussi seul, il s’est cachĂ© livrĂ© Ă  lui-mĂȘme sans connaĂźtre de lendemains certains.

Nous ne sommes pas face Ă  un rĂ©cit fluide ou une histoire qui se lit aisĂ©ment. Les chapitres sont indĂ©pendants les uns des autres, difficile de connaĂźtre l’ordre chronologique par rapport Ă  son vĂ©cu. Lors de la lecture des 2 ou 3 premiers chapitres, j’avais un trĂšs mauvais a priori. C’Ă©tait tellement distinct que je ne savais pas oĂč l’auteur voulait en venir. Mais comme le sujet est important je ne voulais pas abandonner, et puis j’avais envie de donner un avis dĂ©taillĂ© Ă  la bibliothĂ©caire. Je me suis accrochĂ©e et j’ai bien fait car ensuite ça se lit trĂšs vite.

C’est un tĂ©moignage sur son enfance, sur sa vie de juif dans la sociĂ©tĂ© mĂȘme avant que la guerre Ă©clate, le sentiment d’ĂȘtre mal vu au quotidien, les rĂ©primandes, les regards, les commentaires bĂ©nins mais qui veulent tellement dire. Il Ă©voque furtivement ce que sa famille est devenue. Il ne faut pas avoir beaucoup de questions en tĂȘte car Ă  la fin du livre vous serez déçus de ne pas avoir les rĂ©ponses. Je pense que c’est une lecture oĂč il faut prendre ce qu’il donne et ne rien exiger d’autres. C’est un travail sur la mĂ©moire. Le paradigme du postulat est complĂštement diffĂ©rent de ce que j’ai l’habitude de lire sur les crimes de guerre de cette Ă©poque.

Il y a un Ă©norme travail Ă©crit sur la mĂ©moire, son fonctionnement, ce que l’on se souvient et pourquoi, ce que l’on occulte, et comment on comble les vides spatio-temporels de nos souvenirs. Aharon Appelfeld revient rĂ©guliĂšrement au caractĂšre humble de la chose en rappelant la tangibilitĂ©, la fragilitĂ© de la mĂ©moire, du caractĂšre sacrĂ© de la religion, de la foi et de l’importance de la priĂšre au travers son Grand-PĂšre. Vous voyez, mĂȘme Ă  l’Ă©crit mes propos sont dĂ©cousus.
Il n’y conte pas que son quotidien de maniĂšre factuelle mais ses rĂ©flexions, comment il s’est senti Ă  tel moment de sa vie et comment il est aujourd’hui Ă  le raconter. Le temps s’Ă©coule bizarrement puisque nous ne savons pas quel Ăąge il a au moment de telle ou telle anecdote, ni ce qu’il se passe Ă  la guerre. En arriĂšre-plan c’est l’imagination du lecteur via ses connaissances historiques qui comble comme il peut.

Lorsque j’Ă©tais en PremiĂšre, j’avais lu et Ă©tudiĂ© l’essai Les identitĂ©s meurtriĂšres d’Amin Maalouf. Ce livre aborde le sujet des chocs des identitĂ©s quand on vient de plusieurs pays et donc origines, lorsque l’on ne sait plus qui l’on est. J’ai retrouvĂ© cette atmosphĂšre car Aharon Appelfeld parle l’allemand, le yiddish, l’hĂ©breu, le ruthĂšne et le roumain. Difficile de trouver sa place avec des traumatismes, avec une perte de repĂšre, d’apprendre une autre langue car on vit dans un autre pays, d’avoir peur d’oublier sa langue natale et donc les Ă©motions qui y sont enfouies. J’ai particuliĂšrement aimĂ© cette partie sur la perte de vocabulaire, et donc de son soi.

Ce n’est pas un essai philosophique mais le lecteur connait la philosophie de vie de l’auteur. Par exemple, il ne veut pas ĂȘtre dĂ©crit comme un Ă©crivain de la Shoah, il veut ĂȘtre qualifiĂ© d’Ă©crivain au mĂȘme titre qu’un autre. Il explique que certes c’est un enfant de la guerre et donc qu’il parle de ça mais s’il avait vĂ©cu autre chose il aurait racontĂ© son passĂ©. Autrement dit, il n’est pas l’allĂ©gorie de la Shoah. Ce n’est qu’une anecdote parmi tant d’autres mais c’est pour vous donner le ton du roman.

Le livre peut se qualifier comme un long monologue mais qui est partagĂ© comme s’il nous parlait de sa vie par souvenirs au coin du feu un soir. Il y a certaines longueurs car on ne sait pas oĂč l’auteur veut en venir. J’admets que parfois une fois le chapitre terminĂ© et donc qu’on enchaĂźnait sur un passage qui n’avait rien Ă  voir je me demandais Ă  quoi tout cela rimait. Et pourtant, je l’ai lu en 2 jours. Lisant avant de dormir, je prenais un temps pour penser Ă  autre chose et ne pas avoir un sommeil troublĂ© par ce que je lisais, ce qui explique peut-ĂȘtre ma rapiditĂ© de lecture.

Histoire d’une vie est une roman autobiographique Ă©crit par Aharon Appelfeld. Premier livre que je lis de lui et probablement pas le dernier malgrĂ© quelques longueurs et passages pas spĂ©cialement pertinents. J’ai aimĂ© les rĂ©flexions sur sa vie, la mĂ©moire, la parole qui se dĂ©lie et oĂč la sociĂ©tĂ© Ă©met une pression aux survivants pour qu’ils tĂ©moignent sans se soucier s’ils ont envie et en les comblant de reproches.

Et vous, avez-vous lu ce livre ? Si oui, qu’en avez-vous pensĂ© ? N’hĂ©sitez pas Ă  me dire tout cela dans les commentaires pour que nous en discutions âŹ‡ïž

Je vous souhaite une excellente journĂ©e et vous retrouve en fin de semaine pour un prochain article 🐞

Laure

10 commentaires sur “Histoire d’une vie, Aharon Appelfeld

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